1er février 2017 (date limite pour l’envoi d’un résumé de proposition d’article)
Un numéro d’Émulations. Revue des jeunes chercheuses et chercheurs en sciences sociales à paraître en 2017 sera consacré au thème «Les acteurs religieux africains à l’ère du numérique», sous la direction de Pamela Millet Mouity (École des hautes études en sciences sociales) et Frédérick Madore (Université Laval).
À partir du milieu des années 1990 et surtout depuis les années 2000, tout un champ d’études s’est développé sur la façon dont la religion s’inscrit dans le numérique – sites web, forums, blogues, médias de diffusion en ligne, réseaux sociaux, etc. Les auteurs de ces recherches ont développé différents concepts tels que «religion online», «online religion» et «digital religion», pour mieux appréhender les nouvelles formes de religiosités qui sont apparues grâce au web. Cependant, peu d’études ont jusqu’à présent traité de manière significative de l’usage de l’Internet par les groupes religieux du continent africain. Pourtant, la visibilité et la résurgence des pratiques religieuses de toutes les confessions marquent le quotidien individuel et collectif, tant sur le continent africain qu’au sein des diasporas. Dans cette nébuleuse, les nouveaux médias numériques sont devenus des outils, voire des espaces majeurs où se donne à voir ce «religieux africain» dans sa forme plurielle. Certes, le degré de pénétration et l’accessibilité d’Internet en Afrique demeurent parmi les plus faibles dans le monde: 28,7% de la population y ont accès selon des chiffres de 2016[1]. À cela s’ajoutent de grandes disparités entre Afrique du Nord et Afrique subsaharienne, ainsi qu’entre les différentes régions linguistiques. Malgré tout, son usage est en forte augmentation: entre 2000 et 2015, le nombre d’utilisateurs est passé de 4 500 000 à plus de 330 000 000.
Ce numéro thématique de la revue Émulations entend rendre compte de la manière dont la présence du religieux sur Internet permet d’interroger aussi bien les institutions, les communautés, les croyances, les pratiques que les subjectivités religieuses. Il s’agit de porter un regard pluridisciplinaire sur les nouvelles réalités induites par l’irruption d’Internet dans la sphère religieuse des mondes africains, des deux côtés des rives du Sahara, y compris les Caraïbes. Dans cette perspective, les contributions attendues sur toutes les religiosités africaines pourront s’articuler autour de trois axes.
Axe 1: Réseaux, diasporas et cybercommunautés religieuses
Le premier axe propose de réfléchir sur les nouvelles formes d’appartenances religieuses online et les différentes connexions qui s’établissent entre les acteurs religieux de la diaspora et ceux évoluant sur le continent. Depuis le tournant du XXe siècle et le début du XXIe siècle, profondément marqués par l’accroissement de migrations internationales, les religiosités des Africains de la diaspora ont acquis une nouvelle visibilité au cœur des agglomérations européennes. Ces acteurs religieux d’horizons divers se connectent via de multiples ressources numériques et s’organisent parfois en réseaux villageois et/ou ethnico-nationaux, en fonction des affinités et/ou alliances dogmatiques. Ils peuvent mobiliser cet espace virtuel comme un nouveau terrain de (ré)invention de paysages religieux et de fabrication tant de nouvelles communautés croyantes hors du simple cadre des États-nations que de nouvelles subjectivités, moralités et idéologies socio-politico-religieuses. À travers le Net, les acteurs religieux africains du continent et de la diaspora se rencontrent virtuellement, échangent des informations et bricolent de nouvelles pratiques à travers un choix de sermons et de prêches de prédicateurs «à la carte», souvent dans un processus de revendication du monopole «des» bonnes pratiques et du «vrai» message ou de fabrication d’un interreligieux online.
Axe 2: Identités, autorités et nouvelles figures religieuses
Le deuxième axe invite à s’interroger sur les nouvelles formes de religiosités qui sont apparues sur le web et à analyser les conséquences des médias numériques sur l’identité, l’autorité spirituelle et la diffusion du message religieux. La présence récente des religions sur le web conduit à repenser les conceptions traditionnelles du croire et du faire croire, des espaces et des temps rituels, des identités du croyant et des autorités religieuses; elle ne permet plus de faire l’économie d’une analyse en termes de genre et de génération. En effet, le cyberprosélytisme a favorisé un brouillage des identités et des figures d’autorité, qui sont de plus en plus diffuses et éclatées dans un marché religieux très compétitif. Tout en offrant de nouvelles opportunités à de grandes figures de consolider leur contrôle sur la production et la distribution de l’information religieuse, les outils numériques ont aussi ouvert la voie à de nouveaux acteurs, qui n’ont pas nécessairement le profil classique des autorités spirituelles traditionnelles – souvent des hommes d’âge mûr –, pour acquérir une légitimité voire une autorité religieuse dans la sphère publique. Parmi ces nouvelles figures charismatiques se trouvent des jeunes et des femmes à l’aise avec les nouvelles technologies. Ceci invite donc à réinterroger la question des dynamiques de concurrence et des enjeux de pouvoir en lien avec le statut des «cadets sociaux» africains.
Axe 3: Enjeux politiques du recours au religieux
Le dernier axe s’intéresse aux enjeux politiques du recours au religieux à l’ère du numérique et à la manière dont les médias numériques contribuent à définir les contours d’une nouvelle sphère publique en Afrique. Ceci est d’autant plus vrai que ce média représente un défi pour les États étant beaucoup plus difficiles à réguler que les médias « traditionnels ». Il s’agit donc de s’interroger sur l’inscription du religieux dans le politique en se penchant sur les façons par lesquelles les différents mouvements religieux locaux et ceux de la diaspora de toutes les confessions ont saisi les opportunités offertes par l’Internet pour promouvoir leurs objectifs religieux, sociaux et politiques dans les sphères publiques africaines. Si certains auteurs ont souligné le fait que l’intrusion du religieux au cœur des débats publics en Afrique a conduit des groupes religieux à plaider pour une redéfinition de la citoyenneté laïque de l’État en faveur du projet d’une « citoyenneté religieuse », d’autres ont aussi relevé que la pluralisation de l’offre religieuse a eu pour conséquence l’émergence d’un « champ » religieux diffus, éclaté, fragmenté et pluriel, qui est peu propice à l’avènement d’une parole religieuse fédératrice, compromettant ainsi la quête de renouveau moral collectif des différents groupes religieux.
Modalités de soumission
Les propositions de contribution se feront sous la forme d’un résumé de 750 à 1000 mots. Elles comporteront un titre, cinq mots-clés et une brève présentation de l’auteur. Elles sont à envoyer par courriel avant le 1er février 2017 aux trois adresses suivantes:
Les auteurs seront informés des suites données à leur article le 15 février. Les auteurs dont les propositions auront été retenues devront envoyer la première version de leur manuscrit pour le 15 avril 2017.
Calendrier
- 1er février 2017: envoi d’un résumé de proposition d’article
- 15 février: retour aux auteur∙e∙s des coordinateurs du dossier
- 15 avril: envoi par les auteur∙e∙s des manuscrits (entre 25 000 et 30 000 caractères espaces comprises)
- 15 mai: retour des évaluations vers les auteur∙e∙s
- 15 juin: envoi des manuscrits retravaillés
- 30 juillet: retour des évaluations vers les auteur∙e∙s
- 30 août: travail d’édition
- Novembre 2017: publication du numéro
Bibliographie indicative
Bronner, G. (2011), «Ce qu’Internet fait à la diffusion des croyances», Revue européenne des sciences sociales, 49, 1, p. 35-60.
Campbell, H.A., dir. (2012), Digital Religion: Understanding Religious Practice in New Media Worlds, New York, Taylor & Francis.
Capone, S. (1999), «Les dieux sur le Net: L’essor des religions d’origine africaine aux États-Unis», L’Homme, vol. 151, p. 47-74.
Duteil-Ogata, F. et al., dir. (2015), Le religieux sur Internet, Paris, L’Harmattan.
Fancello, S. et A. Mary, dir. (2010), Chrétiens africains en Europe: prophétismes, pentecôtismes & politique des nations, Paris, Karthala.
Hackett, R.I.J. et B.F. Soares, dir. (2014), New Media and Religious Transformations in Africa, Bloomington, Indiana University Press.
Lodombé, O. (2012), «Communauté virtuelles, nouvelles significations du moi et de l’humain : vers une définition de “l’homme pluridimensionnel”», dans Les technologies numériques comme miroir de la société, R. Bautier et J. Do-Nascimento, dir., Paris, L’Harmattan, p. 191-202.
Mayer, J.-F. (2008), Internet et religion, Gollion, Infolio.